Je vous propose aujourd’hui un article doublement inhabituel : c'est une revue d'exposition, et il est écrit par quelqu'un d'autre que moi (je n'ai pas eu la chance de visiter l'exposition dont il s'agit). L'une de mes chères cousines vit au Royaume Uni et elle a pensé à moi, et à vous, en visitant la dernière exposition du Kelvingrove à Glasgow. Voici donc ses photos et ses commentaires. Merci à elle pour toute cette documentation !
Voici quelques observations qui me sont venu à l’esprit lors
de la visite de
l’exposition du Kelvingrove intitulée : A century of
style ; Costume and color 1800-1899, ouverte de septembre 2015 à février 2016. J’ai été frappé par la
beauté de cette exposition, et l’accessibilité des vêtements exposés. Le détail
de la construction extérieure de ces pièces était accessible, visible et les
photographies possibles, ce qui m’a permis de constituer un dossier de
documentation intéressant.
Dans l’ensemble, il s’agit donc d’une exposition bien faite,
passionnant, et à la scénographie intelligente et vibrante, présentant les
pièces choisies selon leurs couleurs et leur usages.
Deux défaut majeurs cependant ; il est malheureux
qu’une exposition de cette qualité ne donne que trop peu de détails. Si le
choix de la présentation des vêtements par couleur est non seulement ingénieux
et visuellement intéressant, il est dommage que peu de détails soient donnés
quant à l’obtention de ces couleurs à l’époque de production de ces vêtements,
c’est-à-dire au 19e siècle, et
aux conséquences de cette production, lorsque l’on connait, par exemple, la
toxicité de certains pigments comme le vert d’arsenic. Par ailleurs, il eut été
de mon point de vue également intéressant de présenter un minimum de dessous,
essentiels à la compréhension de la forme et de la construction interne de ces
vêtements. Si le but premier était de présenter les pièces par couleur, il est
compréhensible de ce limiter aux dessous qui rentrent dans cette catégorie,
mais il est dommage que ce choix se limite à la présentation d’un seul corset,
noir, parmi l’ensemble des accessoires de cette couleur, ainsi que d’une unique
forme, une crinoline.
Par ailleurs, il me faut préciser un point sur lequel je
passe souvent, parce que cela peut sembler évident à l’historienne passionnée
de mode et habituée à hanter les
musée que je suis, mais tous les
vêtements (et cela vaut pour la majorité des pièces conservée jusqu’à nos
jours, que ce soit œuvre d’art, textiles, mobilier, architecture, ou autre) ne
sont pas égaux face au passage du temps et à la conservation. Les vêtements de
tous les jours ont tendance à être moins représentés pour la simple raison que
les choses plus banales du quotidien sont souvent regardées comme de peu d’intérêt
et que les gens moins fortunes du XIXe siècle portaient souvent leurs vêtements jusqu’à
épuisement, et peu ont été conservés parce que souvent trop usés ou pas jugés
dignes d’intérêt. Nous avons par conséquent une vision un peu faussée de ces périodes,
parce que trop souvent on ne voit que des pièces certes fort belles,
mais pas nécessairement pratiques ni appropriées a une vie quotidienne plus
modeste ou aux lieux de travail comme les usines peu sécurisées de l’époque
victorienne, ou un des emplois le plus courant pour les femmes en villes,
c’est-à-dire le service.
Une exposition donc fort intéressante, riche, et
merveilleusement scénographiée, mais qui à mon sens souffre de ces lacunes,
bien que son focus soit respecté et que les omissions soit compréhensibles. On
eut aimé d’avantage de développement sur les couleurs présentes et leur
conséquences sur la société de l’époque, ou au moins l’inclusion de
certains commentaires de journalistes et médecins de l’époque relatif à la
production de certaines teintes (notamment celles peu faciles à créer sans
l’emploi de matériaux toxiques), et aux industries de certains textiles et
accessoires au conséquences néfastes (par exemple la production de fausses
fleurs ou de gants et autres accessoires nécessitant l’emploi de teinture
verte, détruisant les ongles et provoquant tumeurs, maladies et décolorations
de la peau des mains entre autres empoisonnement, ainsi que contamination des
sols, et de l’environnement de celles portant lesdites fleurs), voire fatales
(une robe teinte a l’arsenic pouvait essaimer des grains du poison dans l’air). La question des teintures toxiques,
principalement les verts produits à base de métaux lourd oxydes et d’arsenics
pourrait en soit constituer un article, je ne vais donc pas y consacrer plus de
temps ici. Sans plus attendre, passons aux vêtements eux-mêmes.
Last Saturday, I went to Glasgow to visit an exhibit in the Kelvingrove museum. The exhibition was called A century of Style, Costume and color 1800-1899, and exposed diverse clothes and accessories of the period.
I thought
this few observation I made while visiting, and thinking about the content of
the show might be of some interest. First I must say that I was really
enchanted by the beauty of the exhibition, and greatly rewarded by the
ingenious presentation and scenography.
The
construction details of the pieces presented, as well as both of their sides
were visible, the clothes were accessible and photograph were permitted, making
it a most interesting experience, and rending the constitution of a
documentation file on the clothing possible.
Overall, it
is a well presented exhibit, most riveting and visually pleasing, with an
intelligent scenography, presenting well selected pieces according to their
color and uses.
Nevertheless, two major details attracted my
attention ; it was quite problematic in my opinion that a show which title
was color in fashion said so little about the production of color in the 19th
century, and implication of this production, when we now that for example
arsenic greens posed major threat to both environment and health for makers and
wearers. Also, in my opinion, it would had been beneficial to present a minimum
of underwear to better comprehend the shape and construction of these garments.
If the primary goal was to present the pieces by color, it is comprehensible to
limit the presence of undergarments to those which enter this qualification,
but it is too bad to limit oneself to the presentation of only one corset,
black, amongst the many accessories presented there.
A very
interesting exhibition, rich and well-constructed, but which suffers from its
lacunas, even though its focus is respected and those omission legitimates in
view of the size of the presentation. We would have loved to read more about
the colors presented.
I Gris
Cet
ensemble ouvre l’exposition et introduit la section des gris. Il est constitué
de trois pièces, robe, cape et chapeau, adaptées au climat écossais. C'est une
tenue sensée protéger de la pluie dans les mois les plus chaud, et la soie
grise de la robe permet une discrète élégance tout en demeurant un choix
pragmatique face à la poussière et aux intempéries. La cape est ainsi coupée dans un tissu pratique, l’‘heptonette’ à la
fois léger et supposément imperméable.
Robe 1884: soie, doublure cotton et crin.
Chapeau vers 1886, paille, plume et cuir.
Cape 1884-86, provident de chez Hepton Brothers, en soie et laine (heptonette) Présentée comme imperméable par la publicité de époque, portée par Mme
McMurray.
Traditionnellement, la plupart des uniformes des régiments
de l’armée britannique sont fait de laine écarlate, de façon à être aisément identifiable par
leur ennemi pendant un combat corps à corps.

L’introduction de tissus de couleurs plus neutres ou de type camouflages, tel
que ce tweed gris (Elcho Grey), permet d’avantage de discrétion.
Cet uniforme est intéressant non seulement parce qu’il
s’agit d’une des seules pièces de costume masculin présentées, mais également
parce qu’il représente bien l’évolution du costume militaire a partir
du milieu du XIXe siècle.
Uniforme de Capitaine, 1er
regiment de fusilliers volontaires du
Lanarkshire. 1862-78. Laine,
coton, cuir et métal.
II Réemploi et emprunts.
Si les
rapides évolutions de la mode dans ce siècle bouillonnant sont présentes
partout, au gré des avancées technologiques et sociales, elles sont surtout
visibles dans la mode féminine. Le
réemploi de tissus et châles précieux passés de mode ainsi que la transformation
de vêtements trop vieux deviennent choses
courantes dans la classe moyenne. En voici un parfait exemple.

Lorsque ces châles cessent d’être à la mode, à la fin du
XIXème siècle, les plus précieux cashmeres sont conservés comme héritage
familial, tandis que de nombreuses imitations de qualité sont recoupés et
transformés en de nouveau vêtements tel que vestes et robes d’intérieur. Ce
réemploi permet la conservation et la transmission de ces pièces longtemps très
prisées.
Châle, imitation tissée en France, 1855, laine
Robe d’intérieur, autour de 1890-92, Mademoiselle Martin,
Uddingston, laine, soie, coton et metal
Les châles cashmere ne sont pas les seuls emprunts de la
mode Européenne aux techniques de production textiles d’autres cultures.
L’effet chiné que l’on observe sur cette robe de soirée inspirée de la mode des
années 1780, est créée par une technique d’ikat originaire d’Asie, et
introduite en France au XVIIIe siècle, qui consiste à imprimer la trame avant
le tissage.
Robe, par R. Simpson and Sons, Glasgow, 1883-85, soie,
coton, lin et métal
III Rouge.
Les couleurs soutenues sont à la mode dans les années 1850. A
l’origine obtenues à partir de tentures naturelles, elles deviennent rapidement le
produit de teintures artificielles telles que le magenta ou la fuschine (1ères découvertes en 1856). Différentes couleurs
sont ainsi produites par de nombreuse maisons en compétition, dans la mesure ou
les chimistes n’ont qu’à modifier très superficiellement la structure moléculaire
de la teinture pour pouvoir faire breveter leur propre version.
Dans les années 1850, les jupes larges sont en vogue, et
l’effet de volume est créé et soutenu par un ensemble de jupons ; il faut
en moyenne six jupons pour obtenir la forme désirée. Le plissé et la coupe de la robe contribuent également à
créer une illusion de silhouette en sablier. Les manufactures textiles
facilitent la production de ces tenues en produisant des tissus déjà imprimés
et tissés prêt à être coupés et mis en forme avec ces plis spécifiques.
Pour éviter le poids accumulé de multiples jupons, certaines
femmes se mirent à ajouter des baleines ou cerceaux fait de roseaux afin
d’obtenir la forme en vogue. Le brevet
pour la crinoline à cerceaux métalliques est déposé en 1858. Cette nouvelle
option, beaucoup plus légère, permet aux femmes de ne porter qu’un ou deux
jupons. Un des plus gros fabricants était WS Thomson, dont les usines
londoniennes produisaient jusque 4000 crinolines par jours.
Robe, environ 1857, laine, soie et coton. Crinoline Thomson, Londres, laine et metal autour de 1864-67
Robe, vers 1859-60, Londre, soie et coton.
Le rouge, couleur de la braise, est associe à la chaleur. Dans
les décennies 1880 et 1890, c’est un
choix populaire pour les vêtements d’hiver tant d’intérieur que d’extérieur. Les femmes de milieux aisés portent des robes d’après-midi en
fin de journée, à la maison. Ces tenues sont assez peu ajustées, ne comportent
pas de baleines intérieures et sont souvent portées sans corset, ce qui permet
de se décontracter avant de se changer pour une robe de soirée souvent très
structurée et ajustée. L’épais velours
rouge de la robe de droite sur la photo ci-dessous devait procurer chaleur et confort pendant les longs hivers pluvieux...
Robe d’après-midi, soie, coton, métal, David Kemp et fils. Chaussons, 1870-90
soie, perles et cuir1891-93, Glasgow
Je clos la 1ère partie de cet article sur ces deux costumes masculins, histoire de vous faire rêver un peu ;-) La suite viendra bientôt !
3 commentaires:
Super interessant! Et même passionnant! J'attends la suite avec impatience!
Merci pour ce partage.
Merci pour cet article très intéressant et bien détaillé, j'ai hâte de voir la suite !
je publierais une version de la suite de cet article sur mon blog :)
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