lundi 28 février 2011

Petite histoire du costume : le cachemire

Châle en cachemire représentant une ville, V&A Museum
   Pour mon deuxième article sur l'histoire du costume, j'ai choisi de vous parler un peu des châles cachemire.  J'en parle aussi parce que j'aime énormément ces tissus, et que je suis toujours à l'affut de chutes de cachemire à transformer, comme je vous l'avais montré avec ce sac. Je vous ai fait une petite histoire illustrée de la question, mais le sujet est bieeeeen plus vaste que ce modeste article : si ça vous intéresse, vous trouverez à la fin les références de quelques livres que je vous conseille chaleureusement.
Bonne lecture!
  
   La mode du cachemire est lancée en France fin 18e - début 19e siècle, avec les cadeaux rapportés en France par l'armée napoléonienne. L'origine du mot vient de l'anglais "shawl", l'orthographe actuelle arrive d'ailleurs relativement tard dans la langue française. Les châles étaient fabriqués au Cachemire, avec le duvet des chèvres de cette région. Les femmes préparaient le fil (ramassage du duvet, peignage, filage, teinture, etc) et les hommes tissaient. La technique de tissage est appelée "espolinage", du nom des navettes sur lesquelles les fils étaient enroulés, les espolins. Extrêmement minutieuse et délicate, cette technique permettait d'obtenir des tissus extrêmement fins et souples (on pouvait passer un châle de bonne qualité dans une alliance! ) et surtout des motifs sans envers. 
   
   
   Les premiers châles étaient le plus souvent rectangulaires, écrus, ocres, rouges ou verts, avec des bordures en palmes à chaque extrémité. Les élégantes les portaient pour réchauffer les très légères tenues de l'époque. L'extrême finesse et souplesse de ce tissage permettait même d'en faire des robes.


   Avec la modification de la silhouette et l'évolution de la mode, le châle rectangulaire passe de mode. Dès les années 1830 c'est le châle carré plié en deux pour obtenir un triangle qui tient la vedette. Il devient de plus en plus chargé, les motifs recouvrant pratiquement toute la surface. A l'époque des crinolines, les châles sont très grands, et s'étalent joliment sur les larges jupes.
   On fait encore des robes en cachemire, mais la nouveauté vient de l'impression, qui imite de façon très experte la finesse des motifs cachemires. On peut ainsi avoir des étoffes de laine ou même de coton, très fines et souples, mais avec des motifs inspirés des châles.


   Vers 1870 cependant, la mode n'est plus aux châles, et on ne veut surtout pas perturber les lignes des robes plus ajustées que l'on porte. C'est le début de la grande période de recyclage des cachemires de la grand-mère.

On en fait des visites (sortes de vestes laissant passer le volume des jupes recouvrant la tournure ou le faux-cul), on en fait des gilets d'homme, des robes de chambres, des chaussons, et même des jupons ou des tournures, justement!


   La fin du 19e siècle signe le déclin du châle, et avec cet accessoire la disgrâce des motifs dits "cachemire". On les retrouve ensuite dans l'ameublement, un vieux châle négligemment posé sur un piano, ou suspendu au mur... Depuis quelque temps on retrouve ces motifs sur des tissus contemporains, mais peu ont encore la qualité des cachemires d'antan. Il reste la possibilité de les chiner, car on en trouve encore dans les brocantes, les puces et les vide-grenier. Souvent d'ailleurs, il servent de nappes et de présentoirs pour d'autres objets...      
   Alors, ça vous dit d'adhérer à la LSCC? ;-)



Et pour en apprendre plus, voici quelques livres de référence: 
- La mode du châle cachemire en France, catalogue du Musée de la mode et du costume de la ville de Paris, 1982 Un ouvrage concis, qui évoque les techniques de tissage et trace l'évolution de la popularité du châle cachemire
- Cachemires :  l'art et l'histoire des châles en France au XIXe siècle de Monique Lévi-Strauss, 1987, éd. Adam Biro Magnifique livre d'art, pour tous les amoureux du cachemire.
- Rêves de cachemire, cachemires de rêve :  le châle imprimé, un joyau textile alsacien, catalogue du Musée de l'impression sur étoffes, 2009 Très beau catalogue précisant la technique de l'impression du cachemire, technique destinée à imiter le tissage. De nombreuses illustrations montrant des variantes parfois surprenantes de cette technique...



* ligue pour la sauvegarde des châles cachemires...

8 commentaires:

l'Elfe a dit…

Merci pour cet article très intéressant !
(j'étais allé voir l'expo à ce sujet au musée de l'impression sur étoffes, ça rappelle des souvenirs :) )

les gobelins a dit…

Très instructif, clair et précis. J'aime beaucoup aussi le cachemire, j'ai pu en observer de superbes en Inde. Mais si j'ai appris a identifier la soie (un fil et une alumette suffisent: si le fil se recroqueville en une petite boule le tissu comporte du synthétique)j'ai plus de mal avec les lainages. Une astuce pour pas se faire rouler et identifier un vrai cashemire?

Ségolène a dit…

@Elfe : merci! j'avais raté l'expo mais je pars à Mulhouse dans 15 jours pour un stage au musée de l'Impression sur étoffes, j'espère que j'aurais l'occasion de voir les pièces!

@les gobelins : merci aussi! Tu as de la chance d'être allée en Inde... Pour différencier le cachemire d'autres types de laine, je n'ai pas de truc miracle, mais pour déceler des fibres synthétiques mélangées à des fibres naturelles, le test du briquet marche bien aussi. Déjà, l'odeur est caractéristique (cochon ou cheveu grillé, un peu comme pour la soie!)et ensuite si les résidus s'effritent bien, c'est bon, c'est du naturel!

Emilie(pARTenThèse) a dit…

Comme prévu, ton nouvel article est très instructif : vraiment merci de prendre le temps de rédiger ces leçon de mode et de tissus, c'est vraiment intéressant.

Eliowyn a dit…

merci pour ce joli article!!
Je n'y connaissais rien de rien en cachemire, grâce à toi j'ai découvert plein de choses!

Nath a dit…

Merci pour cet article. C'est vrai, c'est terriblement beau le cachemeire et les impressions, les motifs...C'est à chaque fois un peu un voyage....
Merci aussi pour ton passage...
a bientôt...

Nath a dit…

Oh excuse la faute !
en même temps, serait ce un lapsus ?

Unknown a dit…

encore un très bel article !